Dernière mélodie
Chapitre I
Il était minuit. Deux silhouettes sortirent d’un immeuble. Il faisait froid et le vent était glacial. Ils attendaient en tapant des pieds pour essayer de se réchauffer. Une troisième silhouette sortit de l’immeuble, elle était énervée et se dirigea vers les deux autres ombres.
Ils restèrent là, à discuter cinq minutes puis échangèrent une poignée de mains, se séparèrent et s’engouffrèrent dans leurs voitures respectives pour éviter une nouvelle rafale de vent.
- Ouf! enfin fini! s’exclama-t-il en s’asseyant au volant de sa Mercedes neuve. Il était grand, athlétique, de type slave. Des yeux bleu azur, des cheveux courts, blonds, et un léger bouc contournant sa bouche et son menton. Il paraissait plus jeune que son âge.
Soudain, dans l’air encore froid de la voiture, retentit un bip: il était appelé à se rendre au bureau.
- Et merde! Il faut toujours que ça tombe sur moi! Il faut être fou pour envoyer un mail à cette heure-ci.
A contrecœur, il sortit de sa voiture, remonta le capuchon de son pull sur sa tête et fourra ses mains dans les poches de son pantalon tout en marchant rapidement vers l’immeuble dont il venait de sortir. Il entra dans le hall et passa devant le gardien qui, comme à son habitude, dormait avec une bouteille de Johnny Walker serrée contre son cœur. Il gravit deux volées de marches menant au premier étage et tourna à droite pour entrer dans son bureau. Une fois assis devant son ordinateur, il tapa sur les touches du clavier et put accéder à son message.
- Oh non… Il va falloir que je leur téléphone.
Joignant le geste à la parole, il décrocha le téléphone et au moment où ses doigts allaient se poser sur les touches, il entendit une voix qui disait:
- C’est d’accord, je vous attends demain matin avec les maquettes. Vous verrez, vous ne le regretterez pas.
Notre homme était furieux: «Comment? Il a osé me faire ça, à moi!»
Fou de rage, il sortit de son bureau et entra dans le studio en claquant la porte. Lewis était là, il enregistrait une session de scratch sur le grand enregistreur mural. L’homme n’y alla pas par quatre chemins.
- Tu ne peux pas me faire ça. Tu ne peux pas partir avec mes CD, ce sont les miens! Ça fait deux ans que je travaille dessus et ce n’est pas toi qui vas tout gâcher.
- Ah! Tu es au courant? Et bien oui, je pars! J’en ai marre de cette petite maison de production. Là-bas, je vais gagner en un mois ce que je gagne ici en un an. Tu te prends pour le meilleur mais tu n’es rien!
Lewis tourna le dos à notre homme. Celui-ci était médusé. Il attrapa une statuette et l’abattit violemment sur la tête de Lewis. Sous l’empire de la colère, il porta encore trois coups à sa tête jusqu’au moment où du sang s’écoula sur le sol.
L’homme resta inerte pendant un instant, puis marcha vers le mur, enleva la bande de l’enregistreur et partit vers la réserve.
Pendant ce temps, Chevron était monté pour reprendre ses partitions. En effet,
il les avait oubliées dans un des studios et, pressé de rentrer chez lui, il ne prêta pas beaucoup d’attention à la lumière qui filtrait par la porte d’un bureau. Néanmoins, il passa la tête par la porte pour savoir si quelqu’un était dans la pièce. Ne voyant personne, il tourna les talons et s’engouffra dans la cage d’escalier.
L’homme ouvrit la porte, chercha l’interrupteur mais ne le trouva pas. La réserve était une pièce sombre, toute en longueur. Les murs étaient couverts d’étagères qui ployaient sous le poids des boîtes en fer et des étuis à bande audio. Il attrapa une boîte sur la dernière étagère et y fourra les deux objets qu’il tenait dans sa main. Après avoir replacé la boîte à sa place, il partit en fermant doucement la porte derrière lui. Il passa dans son bureau, ferma le fichier dans lequel il était entré dix minutes plus tôt, attrapa ses clés et son manteau, éteignit la lumière et partit sans oser jeter un coup d’œil vers la porte du studio.
Le lendemain matin, Martin Green, le directeur, dut se frayer un passage entre les voitures de police. Devant lui, un vrai ballet de bonshommes bleus dirigés par un petit homme, s’activait sans se soucier des curieux. Le «petit homme» s’approcha de Green et lui dit:
- Je suis l’inspecteur Vanderoog et vous, vous êtes Martin Green.
- C’est exact, mais que s’est-il passé? Y a-t-il eu un vol?
- Non, je dirais plutôt un meurtre. Nicolas Lewis a été retrouvé mort, le crâne ouvert avec un objet assez lourd selon le médecin légiste.
-… Je ne sais que dire…
- Alors ne dites rien. Je vous attends dans dix minutes à la cantine de votre immeuble.
Vanderoog se dirigea vers la cantine. Green le regarda s’en aller. Il était petit et gros, sa tête chauve comme un œuf ressortait d’une immense écharpe noire. Son manteau noir était usé et beaucoup trop long.
Green s’accorda une cigarette avant de rejoindre l’inspecteur. Une fois celle-ci fumée, il se dirigea vers la cantine. Vanderoog l’attendait, assis devant un café à la table du fond.
- Je suis là, inspecteur.
- Ah oui! Asseyez-vous s’il vous plaît. Voilà, je vais vous poser quelques questions. Je vous prierais d’y répondre sans détour. Bon, nous pouvons commencer: où étiez-vous vers minuit trente?
- Dans ma voiture, je rentrais chez moi.
- Oui, je suis sorti avec Raphaël Woestyn et Jérôme Chevron nous a rejoint cinq minutes plus tard. Il avait l’air énervé.
- Cinq minutes plus tard et énervé vous dites… Et qui sont ces personnes?
- Raphaël Woestyn est un de nos M.C., enfin, un de nos chanteurs et Jérôme Chevron est bassiste.
- Et il ne s’est rien passé de particulier hier?
- Non.
L’inspecteur Vanderoog posa encore plusieurs questions et pria Martin Green d’aller chercher Jérôme Chevron.